Au hit parade des saisons, l’hiver n’a pas la cote. Il compte bien quelques amoureux, mais pas autant que le printemps, par exemple. Puisque nous « emménageons » cette semaine dans cette saison, ayons la politesse de la considérer un peu et d’en faire l’éloge. Cela nous remontera le moral, sachant que le massage Shiatsu qui rééquilibre les énergies internes est également un bon moyen de vivre pleinement chacune des saisons.
« L’hiver chinois » a commencé
Je consacrerai un jour un article complet aux cinq saisons chinoises et à leur signification. Pour l’instant, observons simplement que la culture asiatique offre une vision plus nuancée et un peu plus précoce de chacune des saisons. L’hiver commence le 15 novembre pour se terminer le 28 janvier. Il est précédé et suivi d’une dizaine de jours d’intersaison, la fameuse 5ème saison « Terre ».
Le Yin en majesté
Dans une lecture Yin/Yang de l’année, l’hiver correspond à la domination franche du Yin sur le Yang. Il ne s’agit pas d’un état stable, mais d’un mouvement. La prédominance du Yin s’amplifie jusqu’à son apogée, lors du solstice d’hiver, qui scinde l’hiver en deux. Puis la tendance s’inverse. Qualifier une énergie de « Yin » signifie qu’elle circule de la Terre vers le Ciel. Par l’énergie Yin, le plancher des vaches nous rappelle que c’est lui nous porte, et que nos rêves de lui échapper ne sont que chimères. Tendre vers le ciel, exprimer une volonté Yang, pourquoi pas ? Mais ne jamais oublier la loi de la gravité qui nous ramène sur terre.
Le froid
Le Yin, c’est le froid. A Tanger, où j’entame mon 21e hiver, je n’ai jamais connu, comme en Europe, le froid qui pique la peau ou engourdit les doigts. Mais j’ai appris la sensation du froid qui rentre par les os, l’humidité qui nous saisit dès que l’on sort des couvertures. Et il m’a fallu quelques années pour apprivoiser cette sensation. En contrepartie de ce froid « profond », l’hiver tangérois offre de franches percées du soleil, comme des parenthèses réconfortantes mais trompeuses. Le répit ne survit pas à la tombée du jour, et le froid resurgit plus vif.
La nuit
La durée des nuits est la manifestation la plus tangible de l’hiver. Le manque d’exposition à la lumière naturelle est sans doute l’un des facteurs expliquant la dépression saisonnière. Depuis l’adolescence, je distingue nettement la période précédant le solstice, où la nuit tombe toujours plus tôt, de celle qui suit. La première partie est celle qui affecte le plus mon moral. Passée le 21 décembre, les nuits restent longues, mais la tendance s’est inversée et annonce le printemps.
L’eau
La saison est placée sous le signe de l’eau, celle qui transforme la terre en boue collée à nos chaussures, et nous donne la sensation de porter des bottes de plomb. L’eau compose l’Océan et ses profondeurs glacées. Elle tombe aussi avec fracas, pensons à la goutte froide, s’infiltre à travers nos édifices, et détrempe notre environnement. Bref, nous avons mille raison de la fuir. L’eau est pourtant tellement nécessaire ! Au Maroc, où selon la formule de Lyautey, « Gouverner, c’est pleuvoir », la pluie est toujours source de joie. Là aussi, il m’a fallu quelques années pour m’y habituer, et même partager cette bonne humeur des jours pluvieux.
Le Tandem Rein-Vessie à l’œuvre
Parmi nos circuits internes, deux méridiens sont particulièrement sollicités par le mouvement « Eau » : le Rein (Yin) et la Vessie (Yang). Leur association est celle des extrêmes. La Vessie compose le plus Yang des méridiens principaux (Taï Yang) et le Rein le plus Yin : Shao Yin. L’un nous couvre le dos et le protège comme la carapace d’une tortue (je schématise) l’autre connecte la terre à nos ressources les plus intimes, notamment les organes génitaux. Il est important d’en prendre soin et de les soutenir alors que ces méridiens tournent à plein régime.
L’angoisse et l’introspection
En filigrane de tous les éléments précédents, l’angoisse est l’émotion dominante en hiver. La peur est une réaction utile. Elle permet à chaque espèce de prendre conscience des dangers et de les fuir. Mais, à l’image de l’eau, elle peut nous déborder et ruiner notre capacité à agir. C’est brutal, lors d’une crise de panique ou plus insidieux, dans le cas d’une dépression. Sans tomber dans ces extrêmes, le repli sur soi est une réponse spontanée à cette angoisse. Nous y avons recours, imitant parfois l’hibernation d’autres espèces. Compréhensible, ce repli doit rester mesuré et serein. Nous n’avons pas les ressources pour hiberner et devons continuer à nous nourrir, matériellement et spirituellement. Disons que c’est le moment de faire un bilan, de s’écouter un peu, et de se poser les bonnes questions.
La saveur salée
La vision chinoise associe la saveur salée à l’hiver. On peut, pour s’en souvenir, penser aux profondeurs glacées de l’océan déjà mentionné. Appliqué au domaine de la santé humaine, on en retient que le sel élimine la chaleur en excès et humidifie la sécheresse. Autre vertu : cette saveur tonifie le Yin et le Yang du Rein, particulièrement sollicité en hiver. Je vous invite, à ce propos, à lire l’excellent texte de Michel-Philippe Rastoul, spécialiste en médecine chinoise et en nutrition.
Se nourrir en hiver
Pour combattre le froid, l’envie de boire et de manger chaud est spontanée. L’idée est bonne, mais doit être précisée : la raclette ne correspond pas aux canons de la médecine chinoise traditionnelle. Parmi les préconisations courantes. Oon cite souvent le recours au sel marin ou sel rose de l’Himalaya (lire ci-dessus) et aux épices, parmi lesquels le gingembre, Certains aliments sont considérés comme chauds : le chou, la courge, les radis, les carottes, les amandes ou encore la viande, et notamment en salaison. Le mode de cuisson compte également : Fritures et cuissons mijotées à feu doux sont recommandées pour charger les aliments en Yang. En d’autres termes : mangez de la Bissara et des Tagines !
Le Shiatsu en hiver
Adapter son Shiatsu à la saison est l’une des préoccupations du Shiatsushi. L’hiver appelle un travail en profondeur, et le soutien du tandem Rein / Vessie ainsi que l’explique l’enseignant canadien de Shiatsu Stéphane Vien, dans la vidéo ci-dessous.
Je vous encourage à faire l’expérience. L’objectif, n’est jamais de nier la saison et de stimuler le Qi, pour viser les mêmes conditions qu’en été. On cherche plutôt à accompagner la contraction naturelle du corps, pour en modérer les effets. Le ralentissement, nécessaire à la récupération, ne doit pas se transformer en panne sèche.
L’hiver est à l ‘échelle d’une année, l’équivalent du sommeil profond à l’échelle de 24 heures. Ce n’est pas le temps le plus exaltant, mais sa présence est réparatrice. Alors sans prétendre à l’enthousiasme, reconnaissons l’utilité de l’hiver et saluons sa présence.
Mise à jour du 11/12/2024 : Ajout de la mention sur la saveur salée.